YOUPHIL –13/07/2009
A Ouarzazate (sud-est du Maroc), le touriste au grand cœur peut enfin oublier ses distributions de stylos Bic. Désormais, les possibilités ne manquent plus de voyager en aidant, réellement, les populations rencontrées. En France, une petite moitié des 23 voyagistes de l’Association pour le tourisme équitable et solidaire (ATES) inscrivent le Maroc dans leurs catalogues.
Et le pays des douars constitue la principale destination de ces tour-opérateurs militants ; en 2008 il avait attiré un tiers des 6000 touristes emmenés par les membres de l’ATES. A ceux-ci s’ajoutent, bien sûr, une poignée d’autres voyagistes engagés, plusieurs homologues européens, ainsi que les routards isolés savourant les hébergements solidaires. La plupart convergent près des oueds bordés d’amandiers de l’Atlas, ou dans les premières dunes du Sahara - à mille lieues des discothèques d’Agadir…
Ici, la notion de tourisme équitable s’applique d’abord en direction des hôtes, des guides, ou des muletiers. Et les dépenses des touristes profitent à l’ensemble de la population locale : ainsi, dans la vallée des Aït Bououlli, si à peine 10% des habitants exercent une activité touristique, leurs voisins y gagnent de nouveaux acheteurs pour leurs légumes, leurs brebis, ou leur miel, selon un guide travaillant dans la région.
Les familles gardent aussi la maîtrise du tourisme ; dans cette vallée du Haut-Atlas, elles élaborent elles-mêmes leurs randonnées et leurs accueils paysans, le plus souvent en partenariat avec Vision du monde, présent ici depuis plus de 10 ans. La «balade berbère» de ce voyagiste coûte entre 760 et 860 euros les 8 jours selon la date de départ.
Autre trait du tourisme équitable : anticiper la rencontre de l’Autre. Une rencontre entre Berbères et Berrichons, ça se prépare à l’avance ! Chaque année, Vision du monde réunit donc ses anciens et futurs voyageurs. Un jeu de rôles permet à l’apprenti touriste de s’imaginer en paysan soudain assailli par des étrangers en tongs bardés d’appareils photos.
Enfin, tourisme solidaire oblige, les membres de l’ATES doivent alimenter un «fonds de développement» par le biais d’un prélèvement sur chaque séjour – par exemple pour un voyage de moins de 1 000 €, la taxe est au minimum de 30 €.
Au total, en 2008, 200 000 € ont ainsi pu être collectés. Croq’nature, autre voyagiste solidaire majeur au Maroc, a ainsi pu aider une coopérative de femmes de la vallée du Drâa, ou encore des écoles de la région d’Essaouira – et reverser une part importante de sa collecte à ses partenaires du Mali ou du Niger, «beaucoup plus nécessiteux».
Enfin, une charte engage les associations de l’ATES à informer leurs clients de l’impact concret de leurs solidarités.
Ceci étant, ces quelques milliers de voyageurs solidaires ne forment qu’une oasis dans l’immensité du tourisme marocain : en 2008 le pays avait accueilli pas loin de 8 millions de visiteurs - dont 22% de Français. Les agences de voyage marocaines n’ont donc rien à craindre de cette concurrence paysanne… Pour le moment du moins.
«On reste loin de notre potentiel», reconnaît Julien Buot, coordinateur de l’ATES. «Mais notre vraie force est dans notre impact sur tous les professionnels, ici et là-bas».
Même les autorités marocaines, «depuis peu, affirment qu’elles verraient d’un bon œil le tourisme équitable, s’il permettait d’améliorer les conditions de vie des zones rurales, sans troubler leurs habitants», observe Jean-Luc Gantheil, le fondateur de Croq’nature.
Certes, le Maroc maintient le cap de 10 millions de visiteurs et de 230 000 lits disponibles pour 2010. Mais il s’est doté d’une Charte du tourisme responsable, et ce 19 juin, le roi Mohammed VI a encore appelé à ce que le secteur respecte les «valeurs marocaines authentiques» et les «normes internationales en matière d'environnement»… Dommage que son message ait été prononcé à l’inauguration de Saïdia, marina flambant neuve de 700 hectares vouée à arroser 3 golfs de 18 trous… |