Enquête- Walid Abdelamir Alwane
Photos- Fadel Abbas Assalami
L’Irak est un pays au riche patrimoine historique, tant de l’époque des anciennes dynasties de Mésopotamie que de l’ère musulmane. Les vestiges de l’école Al Moustansiriya, font partie du patrimoine de la dynastie Abbasside.
Cette école était le meilleur exemple de l’intérêt que portaient les califes abbassides pour la science et les savants. Située àl’est du Tigre, en plein cœur de Bagdad, Al Moustansiriya, est la plus ancienne université arabo-islamique. Elle était, au 7ème siècle de l’Hégire (13ème siècle) et aux siècles suivants, le centre du rayonnement scientifique qui attirait les étudiants de tous les pays dans les disciplines les plus diverses. Des centaines de savants de nombreux pays y ont été formés.
Histoire de l’école
Les sources historiques indiquent que le 36ème calife abbasside, Al Moustansir Billah, a décidé de construire cette école en 625 H (1228 de l’ère chrétienne). Elle fut bâtie en 630 H (1232), et inaugurée en 631 H (1233). Sa construction nécessita de coûteuses dépenses. Cette école était destinée àdispenser toutes les sciences religieuses, conformément aux quatre doctrines islamiques ; ainsi que la médecine, l’astronomie, les mathématiques et la philosophie. Elle suivait un régime rigoureux et avait un nombre très limité d’enseignants et d’étudiants. Mais, en devenant célèbre, elle attira des gens de haut niveau intellectuel et moral : 120 enseignants et 300 étudiants. Les sources indiquent que ses plus célèbres enseignants ont été Shams-eddine Ben Sabbagh, Ben Al Koutbi et l’historien Ibn Najjar Al Baghdadi.
Sa forme
L’école a quasiment la forme rectangulaire, avec 184 m de longueur, 44 m de largeur vers le nord et 48 m de largeur au sud. Sa superficie atteint 4832 m² avec une esplanade àson centre de 1710 m².
Al Moustansiriya est constituée de deux niveaux. Le rez-de-chaussée comprend 40 salles d’études et de résidence et le 1er étage 36 salles et de petits balcons donnant sur l’esplanade. En outre, elle est dotée d’une mosquée, de magasins, de bibliothèque, d’une cuisine, d’un jardin et d’un hôpital. Le côté sud-est de l’école comprend sept grandes salles aux diverses formes et superficies. Devant la grande salle, il y a un long hall qui la relie aux autres salles ainsi qu’àl’esplanade. Les murs extérieurs, plus épais que les autres, ont de belles colonnes et de très jolies gravures islamiques, dont l’une porte le nom de l’édificateur de l’école : Al Moustansir Billah. L’école a été construite suivant les différents procédés de pisé. Divers matériaux de construction ont été utilisés dans l’ornement de ses colonnes, ses arcades et dans les gravures islamiques.
Le portail de l’école se situe au centre de sa muraille externe du nord-est. Avec une hauteur de 16 m, elle paraît plus élevée que les autres. Ce portail a été décoré par de beaux motifs islamiques et par des arcades. En le pénétrant, on arrive àl’esplanade qui est la source d’ensoleillement de l’ensemble des bâtiments de l’école. Au milieu, il y a une belle fontaine , de style bagdadien ancien. En outre, il y a deux halls contigus avec l’esplanade, l’un du côté nord-ouest, et l’autre du côté sud-est.
Annexes de l’école
La mosquée occupe une place àpart dans l’école. Située au sud-ouest, elle a la forme rectangulaire (23mx20,5m), avec un mihrab également rectangulaire (de 90,1mx25,5m).
Quant àla bibliothèque, elle est constituée de deux grandes salles rectangulaires. On accède àla deuxième par une petite porte de la première. Selon les sources historiques, elle comprenait 80 000 ouvrages de diverses disciplines, car Al Moustansir Billah portait un grand intérêt pour les sciences religieuses et littéraires ; et ayant une belle écriture, il participait lui-même àla transcription des ouvrages. Mais, ces ouvrages ont été jeté dans le Tigre par les soldats Tatars, suite àleur entrée àBagdad en 656 H/1258. L’eau du fleuve était devenue alors bleue, par l’encre de ces livres, selon les historiens.
Principaux événements
Durant ses 773 années d’existence, cette école a connu de nombreux événements. Ainsi, en 646 H, une crue du Tigre a fait jaillir l’eau des fondements de l’école. Lors des célèbres crues du Tigre en 654 H, les gens y venaient par barques pour effectuer leur prière. Le groupe Mohamed Khan l’a occupée et en a fait sa forteresse. En 1193 H, elle fut transformée en Khan (station de caravanes) sous le règne du wali ottoman Abou Saïd Soleiman Pacha. Le chercheur français Huveau qui l’a visitée au milieu du 13ème siècle de l’Hégire, a indiqué qu’elle était utilisée alors comme dépôt d’outils. Elle a servi également comme entrepôt pour uniformes militaires au 14ème siècle de l’Hégire. Elle fut abandonnée jusqu’en 1945, date àlaquelle la Direction d’archéologie a procédé àsa restauration. Au terme de ces opérations, en 1960, elle fut réouverte en tant que Musée du patrimoine islamique.
Sa situation actuelle
Ces travaux de restauration n’étaient pas suffisants. D’autres opérations plus globales ont été menées dans les années 70 et 80. On élimina toutes les constructions nouvelles qui s’y adossaient et on restaura les murs externes, ainsi que les ornements et les gravures. On utilisa dans ces travaux les matériaux proches de ceux employés àl’origine, tels le pisé, et le gypse, avec parfois un recours àdes produits industriels tels le ciment et les produits anti-humidité.
Les visiteurs de l’école
La plupart des grands historiens et voyageurs qui ont été àBagdad ont visité cette école, dont les plus célèbres sont : le voyageur Ibn Batouta, le sultan Mongol Ghazan (en 696 H), le voyageur turc Olia Jelbi (1058 H et 1066 h), le voyageur Nippur, l’anglais Buckingham, Robert Menan, Freiser, le chercheur français Houveau et le voyageur Félix Johns. De même, la plupart des touristes qui venaient en Irak la visitaient. Aujourd’hui, en raison de la situation qui prévaut, ses visiteurs tant étrangers qu’irakiens sont peu nombreux.
La merveilleuse horloge
L’école garde encore le plan d’une horloge hydraulique merveilleuse qui était dans un hall en face de l’école Al Moustansiriya. Celle-ci indiquait l’heure de jour et de nuit àl’aide de deux balles qui tombent dans le bec de l’un des deux épérviers et ouvrent une fenêtre.
Le souk d’al Moustansariya
L’école est située au milieu d’une série de souks anciens, dont celui appelé « souk du grand bruit » qui est devenu « souk Al Moustansariya ».
Ce souk est spécialisé dans la vente d’anciens tapis, d’antiquités, de pierres précieuses. Mais un tel commerce est en régression, en raison du faible nombre de visiteurs étrangers. A côté de celui-ci, il y a le « souk des montres », où se vendent les anciennes montres et les chapelets très prisés par les Irakiens. Des genres rares de chapelets s’y vendent ; tels « al kahrab » avec ses variétés, dont le meilleur est « l’allemand », « al akik » dont le plus célèbre est « le yéménite », le « sandalouss », « al yusr », et « narjine ». Leurs prix varient de 50,3 dollars à700 dollars.
La position de l’école sur le Tigre lui confère une beauté particulière et une touche de respect et de grandeur. |