Geoff Hann
Kurdistan d’Irak ou Kurdistan irakien ou Kurdistan tout court - peu importe l’appellation - chacune est une déclaration politique formulée en termes historiques et géographiques, et visant l’influence et l’autonomie. Dans cette région, il n'est pas facile de se détacher de la politique, tant dans le passé qu’au présent: l'histoire récente de répression et de violence est trop vivace pour être ignorée par tout visiteur. Les touristes doivent être sensibles àla souffrance des Kurdes et se comporter de façon avisée: dans la région beaucoup de gens sont rongés par une montagne de chagrin.
J'ai visité Mossoul, Arbil et de nombreuses régions d'Irak, mais comme visiteur pour la première fois àcette région, avec mission de faire des recherches sur les possibilités d’y développer le tourisme, j'étais un peu incertain au sujet des résultats. Sous le régime de Saddam, il n'y avait pas d’encouragements àexplorer cette région dans son intégralité.
La région a une histoire fascinante bien qu'obscure dans les études modernes. Certains affirment que cette région est le berceau de la civilisation. Elle est mentionnée dans la littérature ancienne. Cependant, elle était aux extrémités de l'Empire ottoman dans les temps modernes et par conséquent un refuge pour beaucoup de Turcs dissidents et une région de conflits tribaux entre seigneurs de guerre locaux et sur la frontière de l'empire. Après la dislocation de l'Empire ottoman, le Kurdistan est devenu une partie de l'Irak moderne ; mais il était encore contrôlé par les tribus. Sous le régime de Saddam, les aspirations kurdes ont été réprimées sans pitié et la région a été utilisée comme une station d’estivage et de relaxation. Son emplacement stratégique sur les frontières de Syrie, de Turquie et d'Iran continue àadoucir la politique du gouvernement provisoire ou province de Kurdistan ; le pétrole ayant attisé les convoitises.
Donc, que s’est-il passé quand nous avions voulu visiter cette région séductrice, décrite par quelques-uns comme la ‘Suisse du Moyen-Orient ' et comment le tourisme peut-il y prospérer?
La route vers le Kurdistan
Le plus fréquemment l'itinéraire d’usage est d’aller par avion àDiyarbakir, àl’est de la Turquie, une ville àprédominance ethnique kurde, et voyager par route. C'est un itinéraire favorisé par l’abondance de moyens de transport internationaux et qui son relativement bon marchés.
Le voyage jusqu’au Kurdistan irakien dure habituellement six heures environ: c'est un itinéraire agréable, panoramique avec des champs agricoles et en toile de fond des montagnes enneigées.
D’autres itinéraires possibles. Par route de l’Iran et de Syrie àtravers Qamishli, proche de l’Irak ; mais cette frontière est souvent fermée. L'itinéraire le plus facile et le plus populaire, devrait être celui de voyager par route àpartir de Bagdad – après y être arrivé par avion – mais avec ses nombreux points de contrôles, il est plein de risques. Il n’est pas recommandable pour les touristes.
Plusieurs moyens de transport sont disponibles sur l'itinéraire turc. Après avoir atteint le Kurdistan irakien, on ressent une remarquable atmosphère de décontraction. A quinze kilomètres au sud, se trouve la ville frontalière la plus proche, Zahku. Le plus grand parking du monde pour les camions peut être trouvé entre Zahku et la frontière, car c'est l'itinéraire principal du pétrole vers la Turquie. Une file de cinq kilomètres de pétroliers sur la route n'est pas exceptionnelle.
Il nous a fallu quelque temps pour comprendre la géographie moderne. Zahku, Dohuk et Mossoul sont sur l'autoroute majeure menant àBagdad. Mais, pratiquement àl'est des deux premières villes, et àl'ouest de Mossoul, la distinction est presque invisible entre l’Irak et la région Kurde semi autonome, où des points de contrôle sont dressés avec la police irakienne, l'armée irakienne, les peshmergas (milices kurdes) et la police kurde. Cette frontière invisible s’étend au sud-est vers àSulaymaniyah. Toute la partie àl'est de cette ligne invisible est considérée comme faisant partie de la Province kurde qui est elle-même encadrée àl'est par les chaînes de montagnes d'Iran. Les points de contrôle sont trop nombreux. Un grand réseau routier est construit dans cette zone d'est: cela veut dire qu’il n’est pas nécessaire d’utiliser le système autoroutier irakien.
Dohuk
Une promenade d'une heure de Zahku vous mène àDohuk, une ville propre et àforte densité articulée autour d'un marché énorme aux rues étroites. Il y a beaucoup d'hôtels et de restaurants àla portée de la plupart des bourses. Avec l'Hôtel Sulav propre, moderne on a fait le meilleur choix. De nouveaux hôtels sont en construction ; preuve de détermination et d’optimisme au sujet de cette ville. Les hôtels ont été construits àl’origine pour accueillir les touristes de Bagdad et du sud de l’Irak, surtout que les Irakiens ont toujours tenu àfuire la chaleur de l'été du sud. Il est évident que si l’on subit 40 degrés ou plus dans une ville comme Bagdad pendant l'été, le nord, avec ses montagnes fraîches, son eau et sa verdure, serait irrésistiblement attirant.
En tant que tour-opérateur, je peux dire qu'un futur radieux est prévisible pour le tourisme en Irak, après sa stabilisation. J’ai été attristé d’apprendre que les enfants et étudiants étaient encouragés àse concentrer sur les langues anglaise et kurde et àignorer l'arabe. J’espère qu’il s’agit seulement d’une phase temporaire, car la plupart des visiteurs viendront toujours des pays arabes voisins du sud et de l'ouest. Le tourisme International viendra indubitablement, mais seulement àun niveau limité.
A l'est de la ville, on trouve les collines recouvertes de forêts denses. C'est la région du pique-nique d’une beauté exceptionnelle: fraîcheur en été et possibilités pour les sports d'hiver. Mai, est la période idéale pour la visiter, les jours y sont chauds et les nuits fraîches.
Arbil
La région kurde a deux régions administratives: Arbil et Sulamaniyah qui sont les plus grandes villes. Le voyage de Dohuk àArbil dure approximativement 2 à3 heures, car on doit malheureusement faire un détour par les routes autour de Mossoul, passer par les points de contrôle, en allant àl'est par Ain Sifni, Badraish et traverser la rivière Zab àKalat. Une fois dépassées les collines du sud- est de Dohuk, la route traverse des plaines vertes aux terres agricoles fertiles, avec de nombreux vestiges – un espace intéressant pour les archéologues. Après Badraish, les routes sont dangereuses et les conducteurs locaux roulent àde très grandes vitesses. La nuit, il faut éviter àtout prix d’y conduire. Quelque temps après, paraissent des collines au sol pauvre et àla végétation rugueuse. Alors, je me rendis compte que ce terrain correspond àla description des historiens grecs au sujet de la bataille de Gaugamela (Arbela)(331 av.J.C), quand Alexander a battu le Roi persan Darius et a conquis son empire. Les Grecs sont allés àArbil, en traversant probablement la rivière, comme j'étais sur le point de le faire àKalat.
Arbil (Hewler dans Kurde) est une ville très ancienne, dominée en son centre par le grand monticule. C’est probablement le site d'une des plus vieilles villes habitées du monde, qui était déjàen déclin lorsque Alexander y était arrivé. Un jour, une expédition archéologique étendue entreprendra une exploration consciencieuse de cette région. Actuellement, les rues de la citadelle sont remplies de réfugiés irakiens pauvrement logés. J’espère que finalement cette grande citadelle sera désignée comme site du patrimoine de l'humanité.
Arbil, la moderne, grandit rapidement. Des routes et des bâtiments sont en construction avec des techniques de haut niveau. Les hôtels, tels le nouveau Sheraton, sont tout en verre et respectent les normes de sécurité. Un des hôtels les plus occupés, confortable et moderne, situé au centre, l' Hôtel Tour d’Arbil, est idéal pour les touristes.
Au pied de la citadelle, on trouve le souk populaire justement célèbre, aux rues latérales bondées, où tout peut être acheté ou vendu.
La ville a un musée excellent et j'étais très content de voir le célèbre Minaret Chola, de l’époque Timirudienne, encore debout, bien qu’il a besoin de restauration. Deux semaines plus tard, j'ai été àSrinagar dans le Cachemire, où j’ai été surpris de voir le même détail de la brique et du décor de petits carreaux sur une tombe merveilleuse.
Les gens sont amicaux, extraordinairement polis envers les étrangers. Mais, si l’on veut connaître vraiment la ville, on doit le faire àtravers la marche. La non connaissance de la langue kurde est un inconvénient, bien que beaucoup de gens parlent l’anglais et àcontrecoeur l’arabe. Fortuitement, j'ai rencontré àArbil des Yezidi, des Turkmènes, et desKurdes résidents en Europe. On a bu de nombreux verres de thé et je n'ai jamais été autorisé àpayer.
Mossoul est située à80-90 kms d’Arbil. Si ces deux villes sont regroupées avec les anciens centres Ninive et Nimroud, elles formeraient un centre d’attractions très intéressant pour les touristes internationaux.
L'Aéroport d’Arbil attend impatiemment les services internationaux promis. Des appels pour l’activation de cette opération s’élèvent maintenant de Londres et du Kurdistan. Il y a une ligne Londres-Bagdad- Arbil assurée par la compagnie aérienne irakienne.
Kirkuk
En dépit des avertissements, j'ai été déterminé àvisiter Kirkuk, ville divisée àcause du pétrole. Je suis parti avec un conducteur Turkmène, vers le sud en direction de Kirkuk et de Sulamaniyah en prenant l'autoroute de Bagdad. Il y a de nombreux de points de contrôle comprenant différentes forces. Non loin de Kirkuk, s’étend la route le long d'une chaîne de collines ; et il est étonnant de constater qu’àchaque demi kilomètre ou moins il y a une construction militaire, délabrée, abandonné, et perchée au sommet d’une colline. Ces maisons ont été construites par Saddam Hussein pour protéger les champs pétrolifères et contrôler le peuple kurde, mais àquel coût?
Mes projets dans Kirkuk sont venus de rien. Je n'ai pas encore visité la tombe du Prophète Daniel. Quand nous sommes entrés dans la ville, et avons traversé le dernier contrôle, encore dans la partie kurde de ville, mon conducteur m’a dit que la sagesse est ce qu’il y a de meilleure dans le courage et nous avons traversé les quartiers pauvres de réfugiés kurdes vers Sulamaniyah. Je n'avais pas eu la possibilité de discuter là, étant donné les opérations de meurtres qui s’y étaient produites récemment.
Sulamaniyah
L'autoroute àSulamaniyah est nouvelle et rapide. Elle traverse des collines vertes avec pour arrière fond des chaînes de montagnes de l'est. Une des premières colonies connue de l’humanité, Jarmo, est sur cette route. La ville est presque installée dans un bol entouré de collines ; elle est jolie et moderne, avec de bons hôtels. La population semble prospère et bien habillée. Mon conducteur a souligné que c'est "Le Paris du Kurdistan".
La grande zone du marché avec ses rues et les mosquées modernes dominent la ville. Les rues sont remarquablement propres, les magasins du téléphone mobiles abondent, et les véhicules 4x4 très modernes sont très communs. Il y a une grande masse d’argent àSulamaniyah, ainsi que de nombreuses constructions modernes en chantier. La ville parait illuminée avec la lumière du soleil. La sécurité y est très sûre et elle est un centre idéal pour explorer les montagnes et les lacs.
Dokan
La dernière phase de cette exploration kurde a concerné l’arrière nord du pays, le long des chaînes de montagnes de l'est. C’est ce qui fait la célébrité du Kurdistan: ses villages de montagne, ses cascades, les ruissellements àtravers se montagnes et ses paysages superbes. On ma donné beaucoup de conseils, je me suis approvisionné en cartes, et j’ai déterminé les villes. Les cartes modernes de cette région sont assez pauvres et ne comportent pas les nouvelles routes construites récemment. En un temps record, un conducteur arabo-kurde, m'a emmené pour une heure àla ville de Dokan. C'est làoù les gens viennent se délasser, font un voyage de noces, ou vont juste pour le week-end près de la rivière ou dans les chalets. Il y a encore une intense activité de construction de bâtiments. Résider ici, parait trop cher pour le niveau des Kurdes.
Rawanduz
Bien que parti très tôt le matin, il était apparent que mon itinéraire le long des montagnes du nord vers Dohuk allait durer au moins 20 heures de conduite. Donc les choix ont été faits et Rawanduz, devait être l'objectif premier - une ville qui se trouve près de la route principale d'Iran. Le décor et les magnifiques et célèbres cavernes préhistoriques abondent dans cette région. Beaucoup de bâtiments et de villages sont relativement nouveaux, car cette région a connu une destruction àgrande échelle dans plusieurs conflits pendant les 30 années passées.
Malheureusement, il n'y a pas beaucoup d’aires de repos pour les touristes dans cette région. Nous n’avions pas de temps pour aller au nord-est.
Retour
De retour àDohuk par Aqrah, j'étais conscient que je n’avais touché que quelques-unes des possibilités du tourisme de cette région. Celle-ci est encore sous-développée pour le tourisme moderne, international. La langue est difficile, bien que l'anglais soit parlé largement dans les villes. Il y a une multitude de points de contrôle et partout, bâtiments, hôtels… etc, sont gardés. ةtrangement cela rassure, une fois qu’on y soit habitué.
Il est regrettable que des villes comme Mossoul et Kirkuk jusqu'àBagdad ne peuvent pas faire partie d'un itinéraire touristi
que quand on veut visiter cette région. Mais l'hospitalité absolue y est accablante, le décor de montagne de l'est étonnant et le mélange de cultures ethniques très stimulant et intéressant. Il y a beaucoup de sites archéologiques, Assyrien et Sumérien aussi bien que préhistoriques ; cela peut être ajouté àun circuit touristique. La détermination àcompter sur soi, de la part de la population locale, est admirable. Dans son ensemble la région est très propre et s’inscrit dans la perspective d’un devenir moderne, particulièrement dans les villes. Beaucoup de Kurdes reviennent àleur patrie, avec leurs compétences et leurs fonds. Les hôtels sont en construction suivant un rythme soutenu.
Le tourisme est un dilemme pour le Kurdistan irakien. Le tourisme International est une bête inconstante: il apporte la reconnaissance internationale et les ressources financières, mais exige de grandes sommes pour l’infrastructure. Et il n'a aucune loyauté: les touristes peuvent passer àune autre destination sans prévenir. Le tourisme domestique peut fournir de l’emploi et le développement stable. Il est possible d'exploiter les deux, le marché local et le marché international, mais cela a besoin d'organisation prudente et de planification rigoureuse.
La compagnie de Développement de Kurdistan- KDC (www.kurdistancorporation.com) peut fournir de précieuses informations aux touristes éventuels et aux investisseurs potentiels au sujet de la région, y compris les cartes des principales villes. Le KDC organise aussi une délégation britannique àl'Exposition interprofessionnelle DBXKURDISTAN, 15-18 septembre àArbil, Kurdistan.
Nous ne pouvons que souhaiter du bien pour la région. |