Actualité sur Aufait Maroc -28/06/2010
Que connaît-on vraiment d'Essaouira? Son port et les poissons frais que l'on y mange, son vent incessant, le bleu de ses barques, ses remparts...Mais que sait-on vraiment de l'histoire de cette cité -à la fois féérique et mystérieuse- dont le nom signifie la "bien dessinée"? Tour d'horizon des grandes époques et mutations d'Essaouira qui ont fait d'elle une ville ouverte sur le monde.
Si beaucoup connaissent l'époque romaine comme les prémices de la ville d'Essaouira, les premières traces de la cité remontent en fait encore plus loin dans le temps, à l'époque de la civilisation carthaginoise.
En 814 avant J.-C., après la fondation de Carthage, des marchands puniques [ndlr. autre nom donné aux carthaginois] se sont en effet dirigés vers l'extrême Occident, jusqu'à Essaouira, pour y installer des comptoirs. Dès lors Essaouira sert pendant plusieurs siècles de poste avancé sur la route du Cap-Vert et de l'Équateur, un véritable relais sur la route de l'Afrique noire.
La population d’alors était berbère et s'organise en monarchie vers le IIIe siècle av. J.-C. La ville s’appelle Amogdul (la bien gardée), certainement en mémoire du marabout Sidi Magdoul.
La période romaine: l'industrie des salaisons et de la pourpre
C'est lors de la troisième guerre punique, en 146 avant J.-C., que la ville passe sous l'influence de l'empire romain.
Rome fait un État client de ce royaume, dont le souverain le plus illustre est Juba II, qui favorise l'installation de son équipage et le développement de l'industrie des salaisons et de la pourpre.
En 42 après. J.-C., Rome finit par annexer le royaume berbère pour le transformer en province romaine de Maurétanie tingitane.
L'époque portugaise : Mogador, comptoir commercial
Un petit bond dans le temps pour atteindre le XIVème siècle, où les marins portugais -conscients de l'intérêt stratégique de cette baie-, s' installent et baptisent l'actuelle Essaouira Mogdura, (Mogador en français), probable déformation du nom de Sidi Magdoul.
Les portugais font alors d'Essaouira un important comptoir commercial. En 1506, ils y construisent même un petit port et plusieurs remparts. Ce qui allait conférer à la ville sa configuration spécifique à savoir une forteresse tellement utile qui atténue le caractère vulnérable du site, en raison de sa trop grande exposition.
L'impact du Sultan Sidi Mohamed Ben Abdallah
Un des plus grands tournants d'Essaouira est cependant certainement dû au Sultan Mohamed Ben Abdallah, aux alentours de 1760, qui décide d'y installer sa base navale qui assurait, alors, 40% des échanges maritimes du pays.
C'est à cette époque, également, qu'est construite la kasbah d'Essaouira.
Du côté de la ville, le Sultan fait bâtir une cité aux larges avenues rectilignes, entourée de remparts et reliée au port par une grande porte. C'est à cette période, aussi, que la ville prend le nom actuel d’Essaouira, signifiant “la bien dessinée” en raison de ses plans.
Vers 1780, Arabes et Berbères vivent en harmonie dans l’enceinte de la ville aux côtés des juifs, d’un millier d’Européens, de navigateurs étrangers et d’esclaves africains.
L'importance d'Essaouira n'a pas cessé, à partir de cette époque, de croître jusqu'à la première moitié du XIXème siècle, et la ville connait une formidable prospérité.
Pendant des années, c'est également le seul port marocain ouvert au commerce extérieur.
Son déclin commence avec le protectorat français et le développement d'autres ports (Casablanca, Tanger, Agadir) car Essaouira et ses eaux peu profondes ne peuvent recevoir les bateaux modernes à grand tonnage.
Le XIXème siècle et la construction de l'actuelle médina
Néanmoins, l'évolution de la ville ne s'arrête pas là. La construction de l’actuelle médina est entreprise à partir du XIXème et jusqu’au XXème siècle.
La ville s’organise toujours autour de grandes avenues rectilignes coupées par quelques ouvertures qui ont pour fonction d’abriter des alizés.
Il est à noter que l'architecture unique de la médina d'Essaouira lui a valu d’être classée au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO en 2001.
Essaouira aujourd'hui : une ville nouvelle, des projets résidentiels et commerciaux
En cette première décennie du XXIème siècle, Essaouira a encore bien eu le temps de grossir et est à présent le chef lieu d’une province de quelque 500.000 habitants.
La ville, elle, compte 70.000 résidents, logés dans la médina et dans les nouveaux quartiers.
L’expansion de la ville est pourtant limitée par son environnement: bordée par l’océan à l’ouest, l’oued et les dunes au sud et la ceinture verte à l’est, Essaouira ne peut que difficilement s’étendre.
Pour palier le problème, des entrepreneurs ont engagé la construction d’une ville nouvelle: Essaouira El Jadida aux abords de la ville de Ghazoua. Et pendant les 15 dernières années -en même temps que l'évolution de la renommée du Festival gnaoua- le nombre de projets résidentiels, hôteliers et commerciaux s'est également accru, amputant d'ailleurs au passage quelques espaces datant de la ville fortifiée.
Et demain...
Essaouira d'aujourd'hui continue donc de se développer et préfigure la ville de demain où les projets de développement et de réaménagement sont nombreux.
Forte de son engouement touristique auquel a d'ailleurs contribué le Festival Gnaoua et Musiques du Monde, les responsables locaux ainsi que des partenaires privés ont entrepris l’édification de nombreux projets dont un nombre conséquent d'unités hôtelières qui ont en quelques années modifié le front de mer.
Essaouira est aussi devenue plus proche des grandes villes marocaines avec l'agrandissement en 2007 de son aéroport pouvant désormais accueillir près de 30.000 passagers.
Mais quelle que soit encore son expansion, Essaouira -notamment en période de Festival-, semble vouloir demeurer une cité à taille humaine. C'est tout le mal qu'on lui souhaite pour garder son caractère envoûtant, mystique, quasi hors du temps.
Une ville de quiétude, résolument ouverte sur le monde de par son histoire qui l'a marquée du sceau du mélange des cultures et des civilisations. Probablement l'endroit idéal pour faire justement fusionner les musiques.
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