Nourredine Essaoudi
Vingt mille musulmans de France s'apprêtent àpartir pour le traditionnel Hadj, pèlerinage de La Mecque. Le Conseil français du culte musulman (CFCM) a envoyé une délégation en Arabie Saoudite pour aplanir les difficultés : l'année passée, nombre de départs avaient dû être annulés faute de visa.
Les départs des musulmans de France pour le Hadj ont commencé le 24 décembre et devraient continuer début janvier. Le pic devrait avoir lieu cette semaine. Le temps fort, la fête de l'Aïd El-Kébir (ou Aïd El-Adha), aura lieu le 21 janvier, mais de nombreux fidèles partent plus tôt, afin de visiter la ville de Médine, lieu où le prophète Mohammed est enterré. En tout, plus de 20 000 pèlerins quittent chaque année le sol français pour participer au grand pèlerinage.
Lors de la dernière édition, les partants avaient rencontré de très importantes difficultés pour obtenir leurs visas. Le consulat saoudien ne les avait délivrés qu'au compte-gouttes. De nombreux voyageurs l'avaient eu trop tard et avaient été obligés d'annuler leur départ.
La situation semble mieux maîtrisée cette année. "Un système de ticket, qui donne àchaque groupe un numéro de passage, a été mis en place, explique Haydar Demiryurek, secrétaire général du Conseil français du culte musulman (CFCM). Ensuite, le délai d'attente est d'une semaine après le dépôt des passeports. Le consulat se montre très compréhensif."
L'envoi d'une délégation du CFCM en Arabie Saoudite, du 28 novembre au 2 décembre, a permis d'aplanir un certain nombre de difficultés. Quatre membres de la commission "pèlerinage" de l'instance représentative du culte musulman ont été reçus par le ministère du hadj. La délégation était conduite par Miloud Benamara, chargé du pèlerinage àla Mosquée de Paris. De l'avis général, l'accueil a été "très chaleureux". "Les Saoudiens sont très demandeurs d'avoir un interlocuteur, constate M. Demiryurek, qui faisait partie de la délégation. Ils sont confrontés àdes groupes venus de France sans être encadrés par un accompagnateur, et qui sont parfois victimes d'organisateurs malhonnêtes."
Le marché français du pèlerinage souffre d'une absence de régulation. Ce sont principalement les agences de voyages et quelques grandes associations musulmanes qui vendent les voyages et les séjours sur place. Certains tirent les prix vers le bas, si bien que le pèlerin a la désagréable surprise de trouver des conditions d'hébergement déplorables.
Mehdi Berka, responsable de l'agence Meridianis Voyages àParis, évalue à3 000 euros environ le coût d'un pèlerinage accompli dans des conditions convenables. "La contrainte est de loger àLa Mecque trois millions de personnes dans un espace réduit pendant le temps du hadj. Tout le monde souhaite loger au plus près de la grande mosquée. Celle-ci est entourée d'hôtels sur une périphérie de plusieurs kilomètres. La loi saoudienne prévoit que chaque pèlerin doit bénéficier au minimum de 3 m2 d'espace dans son logement. En général, les chambres comptent quatre lits. Mais certaines agences passent outre ces règles..."
Les pèlerins ressortissants d'un Etat musulman sont regroupés sous un "pavillon" qui défend leurs intérêts. Tel n'est pas le cas des pèlerins venus de France.
Cependant, depuis 2000, le consulat de France àDjedda ouvre une "antenne consulaire" àLa Mecque pendant toute la durée du pèlerinage. De manière concrète, deux fonctionnaires de confession musulmane (la Ville sainte est interdite aux non-musulmans) sont présents dans un grand hôtel. Mais les autorités consulaires françaises font valoir que les agents de l'Etat ont pour seule fonction de résoudre les problèmes de nature administrative, tels que la perte de documents ou le décès d'un ressortissant français. Ils ne peuvent pas défendre les intérêts des voyageurs victimes d'un aigrefin.
Le CFCM voudrait aller plus loin et établir une véritable "mission du pèlerinage", comme cela existe pour d'autres pays. "Au Maroc comme en France, ce sont des agences privées qui proposent le pèlerinage, témoigne M. Berka. Mais l'Etat marocain envoie des délégués pour vérifier que la prestation offerte est bien assurée. Malheureusement, un tel pouvoir coercitif n'est pas envisageable dans le cas français. Si bien que les agences font ce qu'elles veulent."
Le CFCM envisage donc de proposer aux organisateurs qui le souhaitent de verser une taxe de 10 euros par pèlerin. Celle-ci servirait àfinancer un service d'accueil des pèlerins français àLa Mecque, placé sous la responsabilité du CFCM. En échange, les agences de voyages se verraient décerner par l'organe représentatif du culte musulman une sorte de label de qualité. Le pèlerin serait rassuré sur la prestation offerte. Ce projet n'a pas encore reçu l'aval du bureau du CFCM. Chaque pays musulman est soumis, par les autorités saoudiennes, àun quota d'un millier de pèlerins pour un million de musulmans. Avec 20 000 pèlerins, pour une population musulmane évaluée entre 4 et 5 millions de personnes, les musulmans de France bénéficient de l'absence de toute régulation. |