Nourreddine Essaoudi
Muette et inerte depuis environ cinq siècles, «la Magana Bouanania» (horloge) qui date du XIV siècle, a fait l’objet depuis quelques années de plusieurs études et a nourri bien des débats. Elle a été restaurée par une équipe allemande sous la direction du Dr Fouad Sizkine, directeur de l’institut des études de l’histoire des sciences islamiques de Francfort. Véritable témoignage du haut niveau d’ingéniosité des chercheurs arabes et musulmans et de leur souci de maîtriser et comptabiliser le temps, «la Magana Bouanania», cette horloge énigmatique a de tout temps suscité l’admiration des connaisseurs. Elle fût l’objet de nombreuses recherches, mais malheureusement aucune personne n’a su la remettre en marche jusqu’àce jour.
Pour marquer l’heure, un poids tombait dans l’une des coupes et une fenêtre s’ouvrait. Cet édifice fut érigé au cours des derniers jours de la construction de la medersa, le 14 joumada 1er de l’an 758 de l’hégire (6 mai 1357) par les soins du Muwaqit du Roi, Abou El Hassan Ibn Ali Ahmed Tlemssani. Evoquant la beauté de cette horloge millénaire, des historiens ont fait savoir que le sultan Mérinide en visitant le complexe (medersa, minaret et horloge) une fois les travaux achevés se fit présenter le livre des comptes que les maîtres d’œuvre lui remirent, non sans crainte peut être, tant était lourde la dépense. Pour M. Fouad Serghini, directeur de l’agence de dé densification et de sauvegarde (ADER) de Fès, les heures inégales sont définies comme les intervalles de temps obtenus en divisant en 12 parts égales la journée et la nuit et en prenant comme base d’intervalle entre le lever et le coucher du soleil. A l’époque, il n’existait pas de montre précise avec des heures et des minutes, a-t-il dit. M. Serghini a expliqué dans un entretien àla MAP que, le mécanisme de l’horloge aurait été actionné par une sorte de chariot courant sur des rails derrière une série de petites fenêtres. L’une de ses extrémités était rattachée àun flotteur en bois situé dans une citerne remplie d’eau et l’autre àun contrepoids. A mesure que l’eau s’égouttait de la citerne, par un tuyau d’échappement qui se trouvait en bas, le flotteur en bois descendait, actionnait le chariot au moyen de cordes et poulies en ouvrant les fenêtres.
Chacune de celles-ci libérait une boule de métal qui tombait en chute libre sur tympan en zinc, indiquant une heure de la journée. C’est ainsi que derrière le mur de l’horloge, se trouvait toute une science, a signalé M. Serghini, précisant que le système de l’horloge Bouanania semble obéir àcertains principes décrits par le grand savant Al-Jazari (13e siècle) dans son manuscrit «Kitab Al hyal»(livre des astuces).
Cet ouvrage traite de la régularité du débit et de la maîtrise de la pression de l’eau dans les horloges hydrauliques de l’époque àtravers l’utilisation notamment d’un astrolabe pour régler la durée et d’un flotteur conique pour maîtriser le débit et la pression de l’écoulement de l’eau dans le cylindre, a poursuivi le directeur de l’ADER.
«Si nos ancêtres avaient été capables de créer et innover ce magnifique mécanisme, il nous revient de le restaurer et de le restituer», a affirmé M.Fouad Serghini rendant un vibrant hommage àl’équipe allemande qui a restauré sous la direction du Dr Fouad Sizkine, directeur de l’institut des études de l’histoire des sciences islamiques de Francfort, l’horloge hydraulique de la Qaraouiyine, dont le système est moins complexe car il est àla base d’heures égales. M. El Kebir Abed Ouadghiri, de l’association de sauvegarde du patrimoine et de l’authenticité a, de son côté, évoqué l’existence d’un autre manuscrit sur les clepsydres hydrauliques traitant d’un mécanisme hydraulique semblable àcelui de la Bouanania.
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