L'Économiste - 25 mars 2008
Les chiffres des trois premiers mois de l'année le confirment. Après une croissance ininterrompue de quatre ans, la demande des séjours touristiques vers Marrakech enregistre un reflux qui alarme les opérateurs hôteliers. Les analystes y voient l'incidence d'une érosion du pouvoir d'achat en Europe, l'apparition de nouvelles techniques de vente, sans oublier la sérieuse concurrence des autres destinations. En effet, la concurrence vient de toutes les destinations situées à proximité des capitales européennes. Et les nouveaux clients font désormais leusr emplettes sur le web pour payer moins cher. Or, en dehors des maisons d'hôtes et de quelques hôtels, Marrakech est quasi absente sur la toile.
Mais l'analyse des professionnels marocains du tourisme va encore plus loin. Pour ces derniers, la baisse de la demande touristique vers le Royaume remonte à un an déjà. Insuffisance de communication, déficit d'aérien, arrivée des low-cost (qui ne profitent pas à la destination)... plusieurs paramètres sont avancés par ces analystes. Autre phénomène, induit cette fois-ci par le succès de Marrakech et qui s'est traduit directement dans les registres des réservations de l'hôtellerie, l'apparition des résidences secondaires et tertiaires dont les acquéreurs sont des Européens.
«Dans le tourisme, il faut se garder de tout triomphalisme car des destinations jadis en difficulté réalisent un come-back avec des prix imbattables», commente ce professionnel. En d'autres termes, professionnels et institutionnels ont dormi sur leurs lauriers depuis 4 ans.
Résultat: une baisse qui est aujourd'hui quasi générale et n'épargne aucun marché, y compris les grands pourvoyeurs de touristes vers le Maroc, comme le marché français. Pourtant, les TO français opérant sur le Maroc et principalement sur Marrakech ont tiré la sonnette d'alarme à plusieurs reprises, au cours de ces derniers mois. Leurs craintes sont aujourd'hui confirmées. Pour les plus chanceux, les chutes sont de 15% sur le tour-operating durant le premier trimestre 2008. Pour d'autres, les baisses ont dépassé le seuil de 20%.
Pour ses prévisions, le voyagiste toulousain Fram s'attend à de meilleurs résultats au cours du deuxième trimestre qui coïncide avec la haute saison de Marrakech et les vacances de Pâques. «On ne pourra toutefois pas compenser les baisses enregistrées depuis l'hiver 2007», note Jean Jacques Bouchet.
Malgré tous ces indicateurs, les professionnels locaux continuent à travailler «au pifomètre». «Nul ne peut réellement expliquer ce recul sans étude», martèle Abdellatif Kabbaj, président du conseil régional de Marrakech. Pour lui, il n'y a pas mille recettes. «Il faut revoir les budgets de communication sur l'Hexagone, notamment ceux consacrés à la destination de Marrakech». De fait, sur ce volet, les professionnels de la cité ocre sont assez frileux. Aujourd'hui, l'Office national marocain du tourisme (ONMT) veut rectifier le tir. Ce dernier, qui consacre 5 millions d'euros à la promo, a promis de revoir à la hausse cette mise.
Cependant, le repli ne concerne pas uniquement la France, mais d'autres marchés bien que les causes soient différentes.
En effet, ce n'est pas rose non plus du côté du marché britannique qui nous a habitués, ces derniers temps, à de fortes progressions. Les chutes sont estimées à plus de 15% sur la Grande-Bretagne. Le dédoublement de la taxe ADP (Airport Duty passager) décidé par le gouvernement britannique pour les vols vers des pays non-européens a créé quelques changements au niveau de l'offre aérienne low-cost à partir de la Grande île. Par ailleurs, la restructuration de l'industrie touristique britannique avec la fusion des grands TO (Tui First Choice et Thomas Cook) nécessite de nouveaux partenariats sur ce marché.
En somme, si derrière ces baisses, des facteurs exogènes notamment pour le marché européen ont précipité les baisses, il existe aussi des raisons intrinsèques. Pour Bouchet, Marrakech n'a plus le monopole sur la qualité des prestations. Des destinations autrefois sinistrées, comme l'Égypte et la Turquie, ont repris du poil de la bête avec un rapport qualité égal au produit de Marrakech et à des tarifs plus compétitifs.
Marrakech se doit de rendre ses packages plus attractifs et clarifier son positionnement. «Elle a plus que jamais besoin d'un plan de développement touristique régional. Plan qui tarde à voir le jour», reproche ce professionnel.
La ville devra aussi gagner en visibilité sur les ventes en ligne. «En effet, 20% à peine des hôtels ont intégré cette nouvelle donne», déplore cet expert. Enfin, comme à chaque crise, il faudra multiplier les campagnes promotionnelles.
Face à cette conjoncture, les professionnels de Marrakech ont décidé de geler leur prix pour 2008 et d'augmenter le budget consacré aux actions promotionnelles.
«Mais il ne faut pas se leurrer. Les fruits de ces actions ne seront ressentis qu'en 2009. Pour l'heure, il s'agit d'arrêter l'hémorragie», conclut Redouane Reghay, de l'Office du tourisme.
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