Nourreddine Essaoudi
La France commémore le 2 décembre le bicentenaire du sacre de Napoléon avec un mélange de gêne et de fascination envers une légende aussi immense qu'encombrante, notamment vis-à-vis des actuels partenaires européens de Paris, les nations asservies d'hier. Aux antipodes des fastes du 200ème anniversaire de la révolution française en 1989, l'Etat français traite avec infiniment de mesure cette page nettement moins consensuelle de son histoire.
Napoléon, en bref, ne sortira pas des musées. Sauf le temps d'une "messe du sacre" célébrée le 2 décembre en l'église de la Madeleine àParis àl'initiative de l'association du "Souvenir napoléonien" (4.000 membres).
"La République est toujours aussi embarrassée par Napoléon. Elle lui doit tant qu'elle n'ose en parler. Elle est àla fois trop orgueilleuse et trop faible pour le faire", analyse Steven Englund, historien américain autour d'un récent "Napoléon".
Avant lui, l'historien Maurice Agulhon avait déjàévoqué le "problème insoluble" posé par celui qui consolida les acquis de la Révolution, donna au pays le Code civil, la Banque de France et surtout une puissance inégalée, mais saigna l'Europe par des campagnes qui firent plusieurs centaines de milliers de morts.
Steven Englund croit que ce passé plein d'or, de fureur et de sang suscite surtout de l'indifférence et de l'incompréhension, dans une France moderne guérie de tout rêve de grandeur mondiale. Jean Tulard, auteur d'une quarantaine d'ouvrages historiques dont le récent "Sacre de l'empereur Napoléon", affirme au contraire percevoir comme un immense soupir de nostalgie nationale.
"Cette grandeur-là, on est capable de l'avoir encore, par le mouvement et les idées qui font bouger le monde", explique M. Myard (UMP), qui en veut pour preuve la mobilisation diplomatique initiée par la France contre la guerre lancée par les Etats-Unis en Irak.
Mais célébrer le Napoléon qui mit l'Europe sous sa botte, de Gibraltar àVarsovie, n'est guère politiquement correct àl'heure de l'intégration pacifique du continent. "Louis XIV, Napoléon, De Gaulle: tous trois témoignent àleur façon de l'impérialisme français, synonyme d'arrogance et de domination", résume l'historienne Annie Jourdan (dernier ouvrage: "Mythes et légendes de Napoléon"). |