Le journal du dimanche en ligne/ 15-11- 2007
La municipalité de la cité phocéenne fait désormais du tourisme un axe de développement. Trois palaces ont ainsi ouvert en un an: la ville se rêve un avenir haut de gamme.
Robes longues, buffet aux mille saveurs, danseuses du bout du monde et quelques people déambulant dans les couloirs au design impeccable. Jeudi soir (15 novembre), le Tout-Marseille version paillette s'était donné rendez-vous dans les quartiers sud pour l'inauguration officielle de la Villa Massalia, dernier-né des hôtels quatre étoiles de la ville. Pour le maire et les élus préposés au coupage du ruban, l'exercice est presque devenu routinier: c'est le troisième palace à ouvrir en un an à Marseille, après des décennies d'immobilisme en la matière.
"Un rattrapage était nécessaire, surtout pour cette catégorie, assure Maxime Tissot, directeur de l'Office de tourisme et des congrès de Marseille. Il y a dix, quinze ans, Marseille disposait de cinq chambres d'hôtel par habitant contre onze pour Lyon, toutes catégories confondues. Il faut dire qu'alors, le secteur du tourisme était peu considéré."
C'est la Coupe du monde de football en 1998, avec ses centaines de milliers de supporters venus du monde entier, qui a donné des idées à la municipalité: celle-ci décide alors de faire fructifier cette toute nouvelle notoriété. "Jusque-là, il y avait d'autres priorités, raconte Dominique Vlasto, adjointe au maire déléguée au tourisme. On disait que Marseille n'était pas une ville de touristes, qui lui préféraient la Côte d'Azur. Nous avons beaucoup travaillé pour changer cette image."
Principale cible de la nouvelle politique touristique, les croisiéristes et les congressistes. Ces derniers ne se déplaçant pas pour moins de quatre étoiles, une campagne de séduction des grands groupes hôteliers est lancée. "Il a fallu les convaincre que la ville était en devenir, explique Maxime Tissot. Ensuite, un groupe amène les autres." Derrière la Villa Massalia, c'est le géant Concorde qui, après huit ans d'absence, fait son retour à Marseille. "Il y a un potentiel ici, confirme Jacques Chesnet, directeur général du nouveau palace. Prenez Barcelone: avant les jeux Olympiques de 1992, ce n'était rien. Aujourd'hui, la ville a éclaté. Marseille est dans cette position. On prend un risque en venant ici, mais le risque est partagé entre la ville et les hôteliers, qui vont aller chercher ensemble du business."
Pour alimenter en clients ces nouveaux pensionnaires gourmands, la ville explore tous azimuts. Si les congrès et conventions restent la manne la plus sûre, la Mairie multiplie les candidatures à l'accueil de grands événements. Déjà, après le Mondial de foot, les bateaux de la course nautique The Race avaient attiré près de 45.000 personnes sur le Vieux Port en 2001. La Coupe de l'America lui passe sous le nez en 2003 au profit de Valence, mais Marseille a récupéré cette année six matches de la Coupe du monde de rugby. Bilan: des visiteurs à fort pouvoir d'achat et des hôtels complets. Prochain challenge: devenir capitale européenne de la culture en 2013. "A Lille, l'événement a attiré 11 millions de visiteurs, note Dominique Vlasto. Il va encore falloir développer notre offre."
De nouveaux projets sont déjà dans les cartons, comme un quatre étoiles Marriott dans le quartier d'affaires Euroméditerranée et surtout un quatre étoiles luxe Intercontinental au coeur de la ville, dans les bâtiments de l'Hôtel Dieu. L'édifice du XVIIIe siècle a été racheté cette année à l'Assistance publique par la municipalité pour être mis à la disposition du groupe Intercontinental, via un bail emphytéotique de 99 ans. Le "projet de trop" pour Jean-Paul Nostriano, président de l'Association de promotion et de défense du patrimoine et élu de l'opposition municipale, qui fustige régulièrement la vision touristique trop "élitiste" de la majorité.
"Faire une Mamounia [palace de Marrakech] à Marseille, pour qui? Pas pour les Marseillais en tout cas", déplore l'élu, qui imaginait plutôt dédier les bâtiments de l'Hôtel Dieu à un plus large public. "Ce n'est pas une prise de position contre le tourisme, précise Jean-Paul Nostriano. Mais on nous fait une politique visant à chasser les couches les plus pauvres du centre-ville au profit de vitrines pour les plus aisés. On nous fabrique une ville pour les autres alors que 30.000 familles sont en attente d'un logement. L'Hôtel Dieu est la cerise sur ce gâteau." Une pétition a été lancée sur internet pour infléchir le projet de la municipalité, sans grand espoir cependant.
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