Libération (Paris)- 2/3/2006
Deux émouvantes cérémonies, àdes milliers de kilomètres l'une de l'autre, àBordeaux et àNiamey (Niger), doivent témoigner aujourd'hui de la lutte contre le vol et le trafic des biens culturels.
A Niamey, le colonel Lembert, chef de l'Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC), doit restituer 845 pièces pillées dans des sites de la vallée du Niger. Les caisses, estampillées «artisanat africain», d'un poids total de 500 kg, ont été saisies il y a un peu plus d'un an par les douanes lors d'un contrôle inopiné àRoissy. Elles se trouvaient en transit àdestination de Bruxelles, plaque tournante du trafic archéologique, notamment en provenance d'Afrique, en raison d'une législation très en retard sur ces questions.
Des pierres taillées du néolithique aux poteries Bura, sans compter des dents de dinosaures, cet ensemble exceptionnel couvre «quasiment toute l'histoire et la préhistoire de l'Afrique», faisait observer àl'AFP Marie-Hélène Moncel, chercheuse au CNRS et au Muséum d'histoire naturelle. Les figurines ou poteries de la culture Bura, qui s'est développée dans le bassin du Niger entre le IIe et le XIe siècle, sont sur la «liste rouge» dressée par le Conseil international des musées des objets interdits d'exportation ou les plus menacés. Marie-Hélène Moncel souligne que le «préjudice reste énorme», dans la mesure où ces «objets n'ont plus de sens archéologique», les fouilles illégales ayant totalement détruit les éléments qui auraient pu restituer leur contexte historique.
Au musée des Beaux-Arts de Bordeaux, c'est le président du Syndicat national des antiquaires, Christian Deydier, qui remet àla ville un saint Jean-Baptiste du XVe siècle, qui avait disparu d'une église il y a vingt-deux ans. Ce relief, dont une partie de la polychromie est toujours présente, sera exposé jusqu'au 24 mars, avant de rejoindre la basilique Saint-Michel, où il avait été volé.
Il fait partie d'un autel classé monument historique de sept panneaux en albâtre sculptés dans les ateliers de Nottingham, qui avait été dérobé dans une chapelle et remplacé par une copie en plâtre coloré, si bien que le vol est resté inaperçu dix ans durant. Il a été découvert par hasard quand deux des figures ont été proposées aux musées par la veuve d'un antiquaire parisien, qui les avait acquises sans se douter de leur origine. Conduite par le commandant Darties, l'enquête de l'OCBC avait permis de remonter la filière. Quatre éléments ont disparu aux Etats-Unis. Le saint Jean-Baptiste avait été revendu àun collectionneur monégasque, lui aussi de bonne foi, Stephen Zuellig. Contacté par le président du Syndicat des antiquaires, il a proposé de restituer cette très jolie sculpture.
La France est la première victime du pillage artistique dans le monde, avec l'Italie, qui vient elle aussi d'obtenir plusieurs restitutions de statues antiques de valeur des plus grands musées américains.
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