libération (Paris): 2/3/ 2006
Treize pays ont adoubé une taxe sur les billets d'avion, idée ovni dans le cénacle diplomatique deux ans plus tôt. Au côté de la France, qui l'appliquera dès juillet (Libération d'hier), de la Grande-Bretagne (qui l'impose déjà, mais reverse pour l'instant le pactole àson budget général), le Chili (qui l'a instauré en janvier), le Brésil, Chypre, le Congo-Brazzaville, la Côte-d'Ivoire, la Jordanie, le Luxembourg, Madagascar, l'île Maurice, le Nicaragua et la Norvège ont promis de faire décoller cet impôt solidarité. Il est destiné àlutter d'abord contre les pandémies (sida, paludisme, tuberculose) àl'origine de 6 millions de morts par an. Un petit brin de cash (400 millions escomptés l'an prochain) sera dédié àun fonds (Fiam, facilité internationale d'achat de médicaments). Lequel sera chargé de négocier des achats groupés de médicaments ; tenter de faire baisser les prix des traitements antisida de seconde ligne, exorbitants.
Prémices. Sans surprise, les Etats-Unis, le Canada ou l'Australie ont boudé cette Conférence de Paris dédiée aux «financements innovants» pour le développement, alors que l'aide publique traditionnelle patine tellement qu'il faudra attendre 2147 pour que les pays d'Afrique subsaharienne diminuent par deux le nombre de personnes vivant dans l'extrême pauvreté. Mais Paris a quand même réussi àfaire entrer dans un «groupe pilote» 25 autres pays (dont l'Allemagne, l'Espagne, l'Inde ou l'Afrique du Sud). Ceux-ci vont mouliner autour d'autres taxes, déjàdans les tuyaux, telle celle sur les transactions financières internationales ou le commerce des armes.
Assiste-t-on aux prémices d'une fiscalité internationale ? A suivre... Mais àen juger par l'attitude quasi «saint-justienne» de Philippe Douste-Blazy («On va créer un élan révolutionnaire en demandant ànos citoyens de payer pour des hommes et des femmes d'autres pays» !), la France de la coopération se sent pousser des ailes jusque-làracornies. Et assure que «le sujet des financements innovants» est désormais «incontournable» sur la table de la diplomatie planétaire.
Lapsus. En attendant, certains en ont mangé leur chapeau, àl'instar de Jacques Barrot, commissaire européen aux Transports. Hier, vent debout contre une taxe sur les billets d'avion, il confiait, mardi, un rien penaud, «devoir tenir compte des intérêts des compagnies aériennes» et plaidait pour «une taxe sur les croisières». Amendement proposé par le PS et rejeté par la majorité... UMP. Un PS que Bernard Kouchner n'a pas manqué d'égratigner («Il n'a jamais été àl'aise sur les questions de développement et de coopération, àcommencer par Jospin.») Guère àl'aise, àl'image de Michel Rocard, auteur d'un beau lapsus («en tant qu'ex-président de la République»), et qui a plaidé pour une taxe sur la loterie, histoire de mettre «les vices» au service d'une bonne cause ? |