Libération (Paris) -13/2/2006
Lundi dernier, c'est par la voie du Web que l'ancien parlementaire Eitaro Itoyama, l'une des toutes premières fortunes du Japon, et même du monde selon le magazine Forbes (elle est estimée à4 milliards de dollars, soit 3,3 milliards d'euros), a appelé àla démission du nouveau PDG de la compagnie aérienne Japan Air Lines (JAL) Toshiyuki Shinmachi, nommé en 2005. Dans un message publié sur son site, l'ancien membre de la Chambre des représentants ne ménage pas la présidence de JAL, accusée de piloter la compagnie vers des cieux incertains. De fait, la direction de la première compagnie d'Asie venait d'annoncer des résultats 2005 pitoyables : une perte nette de 162,3 millions d'euros. Contre un profit net de 558,8 millions d'euros en 2004.
Déstabilisation. Si Eitaro Itoyama se sent si concerné par le sort de JAL, c'est parce qu'il en est le premier actionnaire. En effet, il possède 70 millions d'actions, soit 4,05 % de son capital. Une participation dont il est visiblement peu fier... puisqu'il tente depuis des années de s'en défaire. Au moins depuis 1999. A chaque fois en vain. Récemment, la filiale taïwanaise du n° 2 mondial du transporteur maritime, Evergreen Marine, s'est mise sur les rangs pour reprendre la participation d'Itoyama pour 259 millions de dollars (218 millions d'euros). L'affaire n'a cependant pas abouti.
Alors, Eitaro Itoyama, 63 ans, poursuit sa campagne de déstabilisation contre la direction de JAL. Et ça marche. Les dirigeants de la compagnie aérienne lui reprochent son manque de tact et ses attaques publiques. Et c'est d'ailleurs pour cela que la direction a toujours refusé de le faire siéger au sein du comité des directeurs. Pas mauvaise fille, la compagnie a tout de même tenté un armistice en lui offrant un poste de conseiller. Un poste qu'il a fini par accepter... mais qui ne le satisfait toujours pas. «Japan Air Lines ne m'a jamais traité décemment comme premier actionnaire», se lamente le milliardaire. A titre de revanche, Itoyama prend modèle sur son beau-père, l'ancien criminel de guerre Ryoichi Sasakawa (1899-1995), un expert en relations publiques et gros bonnet des médias, qui se vanta dans la presse américaine d'être «le fasciste le plus riche du monde». Comme lui, il utilise les médias pour faire du bruit. Sur son site et dans d'autres médias japonais, il prend un malin plaisir àdescendre en flammes la gestion de JAL. L'ancien PDG de la compagnie, Isao Kaneko, fut ainsi longtemps sa cible fétiche.
Dans un Japon habitué àdavantage de courtoisie entre patrons et actionnaires, l'action commando via Internet du milliardaire Itoyama a résonné d'un écho particulier après l'annonce de mauvais résultats de JAL. L'actionnaire mécontent prie Toshiyuki Shinmachi de «démissionner, afin de prendre sa part de responsabilité pour les mauvais résultats de l'entreprise». L'ancien parlementaire, proche du ministère des Transports, n'hésite pas àexhumer les scandales liés àla sécurité des vols et des avions, précisant que, selon lui, la restructuration en cours de la compagnie est vouée àl'échec. Le milliardaire n'a pas fini de faire des siennes sur le Net.
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