Réalité (Tunis) du 08/09/2005 - Avec une trentaine de centres de thalassothérapie opérationnelle et une dizaine en construction, le tourisme tunisien se dote d’un atout de tout premier plan : focus sur un secteur en pleine mutation.
Au milieu des années 1990, la Tunisie a vu naître son premier centre de thalassothérapie. Le législateur tunisien a veillé d’abord à la mise en place d’un texte réglementaire (décret n° 92-1297 du 13 juillet 1992) fixant les principes généraux de l’exercice de cette activité médicalisée et placée sous la tutelle du ministère de la Santé Publique. Ce décret actuellement en vigueur détermine plus précisément les conditions d‘exploitation des centres de thalassothérapie, mettant l’accent sur la qualité des eaux de mer et les conditions de leur utilisation. Dans ce texte on évoque les normes en termes de locaux, d’équipements et les normes en personnel. Puisqu’ils sont implantés dans les hôtels 4 et 5 étoiles, ces centres sont également sous la tutelle du ministère du Tourisme, aussi bien que le ministère de la Santé Publique, qui lui revient en fait d’effectuer le contrôle technique au niveau des centres de thalassothérapie, le contrôle de l’hygiène et la qualification du personnel. Ce sont des opérations de contrôle inopinées, menées conjointement par les deux départements de tutelle.
Les ressources humaines, d’abord…
Depuis la création du premier centre de Boujaâfar (Sousse) en 1994, plusieurs centres ont été agréés, on en compte aujourd’hui 26 qui sont opérationnels, auxquels on ajoute huit autres centres en cours de construction. Au fur et à mesure de l’évolution de cette activité, les professionnels du tourisme se rendent compte que la thalassothérapie est un produit complémentaire, qui pourrait apporter un plus dans l’offre touristique. Il s’agit en fait d’une activité qui se développe beaucoup plus en hiver et au printemps, permettant, ainsi, de combler les périodes creuses du tourisme tunisien. Mais, le fait que la thalassothérapie soit un produit complémentaire, ne justifie en rien de tomber dans la banalisation de cette activité, pris parfois pour un simple produit de loisir. C’est la raison pour laquelle les autorités de tutelle insistent encore et toujours sur l’aspect médical du produit qui devrait obéir à des normes strictes et sévères, notamment en règles d’hygiène et en qualification professionnelle. D’autant plus que c’est un produit destiné à une clientèle haut de gamme, qui s’avère particulièrement exigeante en termes de qualité. “ L’erreur que font certains hôteliers de penser à court terme et donner la priorité à l’amortissement de leurs projets, a souvent un impact néfaste sur la qualité â€, concède le docteur Charni (ministère de la Santé Publique). Coté professionnel, on se plaint toujours de ne pas trouver de ressources humaines qualifiées sur le marché. Qu’en est-il de la formation dans ce domaine? Dans les centres de thalassothérapie, il existe essentiellement deux catégories de personnels, les physiothérapeutes, des techniciens supérieurs diplômés et les hydrauthérapeutes qui jusqu’à une récente date étaient formés sur le tas par le médecin responsable du centre. Mais, depuis cinq ans il y a eu l’ouverture d’un centre privé de formation qui a été agréé par le ministère de la Formation professionnelle et qui avait pour mission de former des hydrauthérapeutes, dans le but d’améliorer le niveau de qualification de cette catégorie de personnel. Mission inachevée, ce centre vient justement de fermer ses portes ! Au niveau de l’enseignement supérieur, il a été créé depuis à peu près deux ans, une nouvelle section au sein de l’Ecole supérieure des sciences et techniques de la santé à Sousse, pour la formation de techniciens supérieurs de la thalassothérapie ; une formation qui est encore à son début. Aux lacunes en termes de formation, on ajoute un autre problème, relatif au taux d’intégration des compétences existantes. Or, le non respect des normes en termes de personnel, tire vers le bas la qualité des prestations de services au sein de certains centres. Et cela a un impact sur l’image de marque du secteur. Dans ce cas, il revient certes aux départements de tutelle de renforcer le contrôle, mais également aux professionnels de respecter leur métier et d’avoir une vision long terme, car il ne s’agit pas d’accueillir aujourd’hui un nombre important de curistes et de les perdre demain. “ L’enjeu est de taille, si le secteur marche bien actuellement, cela ne veut pas dire qu’il va l’être demain. C’est le message que nous essayons de faire passer aux hôteliers. Nous ne sommes pas là pour sanctionner mais pour contrôler une qualité et pour sensibiliser les professionnels sur les enjeux â€, devait indiquer notre interlocuteur.
L’enjeu de la normalisation
Animé toujours par le souci de performance, le législateur tunisien a procédé récemment, à la révision du décret 92-1297 du 13 juillet 1992, dont on aura bientôt une nouvelle version. En parallèle, et en collaboration avec l’Institut de normalisation et de la propriété intellectuelle (Inorpi), les deux ministères de tutelle ont veillé à la mise en place de normes tunisiennes en matière de thalassothérapie. Le projet va passer prochainement à l’enquête publique, pour deux mois. La procédure est de publier le projet de norme par l’Inorpi, s’il n’y a pas de demande de modification, le texte sera validé et adopté en tant que norme. Probablement vers la fin de l’année, il y aura une norme de bonne pratique de thalassothérapie, qui devra compléter le texte de 2005. Une fois adoptée, cette norme sera transformée en normes de certification, dont l’application n’est certainement pas obligatoire, mais ce sera un enjeu commercial de taille qui va contraindre les professionnels du secteur à s’y aligner. Force est de signaler à l’occasion que la Tunisie est le seul pays parmi toutes les destinations concurrentes qui dispose d’un cadre réglementaire. Pour ce qui est des normes, il en existe plusieurs en Europe, parfois à outrance. “ Le problème des normes actuellement c’est qu’elles sont souvent banalisées. Une norme doit être reconnue par une institution officielle. Il faut savoir aussi que les normes ISO en thalassothérapie, n’existent pas encore. La norme tunisienne qui verra bientôt le jour, sera certainement une référence au niveau mondial parce que depuis 2005, la Tunisie avec l’association espagnole de normalisation est devenue le siège du secrétariat technique pour l’élaboration des normes ISO sur le tourisme et les services annexes. C’est la première fois qu’un pays du Sud ait un tel honneur. En termes de réglementation et de normes, la Tunisie est certes très en avance, reste à veiller à l’application des textes existants.
La qualité, la qualité encore de la qualité
Le second atout de la Tunisie, en tant que destination de thalassothérapie est la tarification, cela fait que beaucoup de curistes reviennent chaque année ou une année sur deux. “ Le taux de retour n’est pas négligeable, nous avons des curistes qui sont venus, cinq, six et sept fois pour faire la cure en Tunisie. Encore faut-il que la demande demeure constante et que la qualité du produit s’améliore au fur et à mesure â€, devait nous indiquer M. Khaled Ben Cheikh, DG de l’ONTT. Comment faire en sorte que la thalassothérapie en tant qu ‘activité touristique ne tombe pas dans le piège du bradage des prix ? “ Le risque existe, certes, mais en tant que tutelle, nous veillons sur le respect de la qualité et nous accordons une attention particulière à la politique commerciale des centres. Je crois que les hôteliers doivent tirer une leçon dans ce qui est en train de se passer dans le domaine touristique â€, devait souligner notre interlocuteur. Du côté du consommateur tunisien, la thalassothérapie qui se popularise d’ailleurs de plus en plus en Europe, demeure un produit cher par rapport à son pouvoir d’achat, pourquoi donc ne pas penser à des formules de paiement adaptées à cette catégorie de clientèle ? En thalassothérapie, un autre problème se pose, à savoir l’élaboration d’une carte de développement de la thalassothérapie en fonction des régions, pour éviter justement les mauvaises répartitions des centres et l’épuisement de l’eau de mer. Les perspectives sont donc plus ou moins bonnes pour ce créneau, il faudrait cependant que les départements de tutelle multiplient leurs actions de sensibilisation à l’adresse des hôteliers quant au respect de la loi et l’application des normes. Il s’agit également de mettre en place une stratégie ciblée pour la promotion de cette branche et faire ressortir les atouts de la Tunisie en la matière. “ Nous avons encore des possibilités de création de centres de thalassothérapie, trente ou quarante centres en Tunisie, ce n’est pas excessif, pourvu que ce sera élaboré par des professionnels qui sont conscients des enjeux. Et il ne faut pas oublier non plus que notre atout majeur est la qualité et non pas la tarification alléchante â€, devait souligner M. Ben Cheikh. “ Ce qu’il faut entretenir c’est la qualité du produit et c’est ce que nous voulons faire avec le professionnel par le contrôle â€, devait-il ajouter. Sur le marché international, la Tunisie se positionne en deuxième position après la France. En 2004, le nombre de curistes étrangers a atteint 141.452 clients, avec à leur tête les Français, suivi des Allemands et des Suisses. Les destinations concurrentes sont essentiellement l’ةgypte et le Maroc qui disposent d’une infrastructure de qualité et une stratégie marketing suffisamment agressive. Pour tenir le coup, dans ce contexte hyper- concurrentiel, les professionnels du secteur doivent travailler beaucoup sur la qualité et le marketing, tout en veillant à la diversification des marchés, notamment les marchés lointains, tel que celui de l’Europe de l’Est, sachant que les Russes sont actuellement en 4ème position, avec 11.5000 curistes en 2004. |