LaDépêche.fr –08/03/2011
Le tour-opérateur toulousain Fram a invité des agents de voyage à Djerba pour relancer la destination. Sur l'île tunisienne, les premiers touristes font leur retour.
Sous les pavés, la plage. Ce slogan de mai 1968 pourrait s'appliquer à la révolution tunisienne. Un mois après la chute de Ben Ali, des touristes du Grand Sud sont déjà de retour dans l'île de Djerba. Certains, même, ont refusé d'être rapatriés, le 17 janvier, au plus fort des manifestations contre le dictateur.
Casquette « Notre temps » vissée sur la tête, Joseph, enseignant retraité provençal, est de ceux-là:«En restant à Djerba, je savais que je ne risquais rien ».
Joseph fait partie de ces retraités migrateurs qui passent les trois mois d'hiver au soleil. Et pas question d'y déroger, même pendant la révolution.
« Mon fils m'a appelée lundi pour m'enguirlander. Il venait de voir à la télé les images des réfugiés venant de Libye. Il a dit que j'étais inconsciente de rester en Tunisie », sourit, la mine faussement contrite, Thérèse, 82 ans. Crocs aux pieds, en tenue de jogging, cette institutrice retraitée de Montauban est revenue depuis quinze jours à Djerba. Elle vient de s'installer au Golf Beach Hôtel qui a rouvert.
Thérèse et son compagnon Guy, ancien chauffeur routier toulousain, économisent chacun 128 euros par mois pour s'offrir ces longues vacances d'hiver sous le soleil.
« Si on n'avait pas eu la télé dans la chambre, on ne se serait rendu compte de rien », assure Francis, un Commingeois de 61 ans, qui se trouvait mi- janvier en Tunisie.
Et à « Djerba la douce », encore moins qu'ailleurs : la révolution de jasmin est passée comme une fleur. Les Djerbiens ont décroché les portraits de Ben Ali sur le front de mer. Seule l'activité de l'aéroport, où les réfugiés de Libye affluent pour embarquer, témoigne de la situation de crise du sud du pays.
« Je vais peut-être aller à la frontière libyenne pour aider les réfugiés. Car ce n'est pas parce qu'on est en vacances que l'on doit rester les bras croisés ! », lance Jean, retraité d'Avignonet-Lauragais qui séjourne sur l'île. « Si on ne relance pas le tourisme en Tunisie, la révolution va capoter ! », fait-il.
Tous les touristes ne sont pas aussi confiants. L'hôtel Golf Beach de Djerba n'accueille qu'un quart des vacanciers habituels. D'autres hôtels ont fermé. Malgré tout, le tour-opérateur Fram verse depuis janvier leur salaire aux 1 000 Tunisiens qu'il emploie.
À Djerba, 80 % de la population active vit du tourisme. En 2002, l'attentat meurtrier contre la synagogue de la Ghriba avait plongé l'île dans la désolation. Les 130 000 Djerbiens espèrent que le vent de liberté qui souffle sur leur pays n'entraînera pas trop de turbulences.
La confiance des voyagistes
« Pour ces vacances de février, des clients ont préféré aller en Croatie ou carrément en Norvège. Mais d'autres, plus jeunes, se disent que c'est peut-être le bon moment d'aller en Tunisie » : Jutta Schlangen est agent chez Voyages Dépêche à Rodez. Elle fait partie des 150 agents de voyage invités par Fram à se rendre dimanche 27 et lundi 28 février à Djerba, en Tunisie.
« J'ai des clients qui ont réservé pour cet été. Je pourrai les rassurer en leur disant que je suis allé sur place », souligne Wilfried Laperdrix, agent de voyage chez Afat à Agen. « On n'a pas le droit de laisser tomber un pays aussi accueillant », estime Isabelle Cordier, directrice nationale de Carrefour Voyages, qui se dit « confiante » sur la reprise du tourisme en Tunisie.
Pour relancer la destination, des tour-opérateurs cassent les prix. Un séjour acheté, un autre gratuit chez Marmara ou d'autres TO. Fram fait un « prix d'ami » à 450 € la semaine à Djerba au mois de mars : « Il n'est pas question de brader le pays ».
« Nous avons besoin de la Tunisie pour exercer notre métier, et la Tunisie a besoin de nous pour se développer », relève Antoine Cachin, PDG de Voyages Fram. Le directeur général de l'office du tourisme tunisien, Habib Ammar, a fait le déplacement dimanche de Tunis à Djerba pour remercier l'état-major de Fram de son soutien « pendant une période historique ». « Nous avions déjà le soleil, la qualité de l'accueil. La Tunisie a maintenant gagné la liberté : c'est un nouvel atout touristique. La destination a pris une autre valeur », a plaidé Habib Ammar. Le ministère tunisien du Tourisme lance une campagne de communication en Europe. L'économie touristique représente 7 % du PIB (produit intérieur brut) en Tunisie. Pour ce petit pays méditerranéen, le soleil et le sourire sont les meilleures ressources. |