Le Monde –19/07/2010
La haute saison a commencé, sans nuages. Comme d'habitude, les charters pour Hammamet, Djerba ou Nabeul sont pleins en ce mois de juillet. En Tunisie, le tourisme résiste à la crise, et plutôt bien. Mais des signaux d'alerte se sont allumés qui ont poussé le gouvernement et les professionnels à se réunir dans un "comité stratégique" pour définir, sous la conduite d'un cabinet d'études français, ce que sera le tourisme de demain.
Pour commencer, le pays libéralisera totalement son espace aérien en 2011 afin d'accueillir les compagnies à bas coût. Mais la Tunisie, destination bon marché par excellence, cherche surtout à modifier son image et à attirer une clientèle plus aisée, à l'inverse du Maroc qui tente de se rendre moins élitiste. "Nous voulons effacer coûte que coûte cette image de destination bradée, de masse", insiste Ferid Fetni, directeur du marketing et de la communication de l'Office national du tourisme tunisien (ONTT). Pour ce dernier, il n'y a pas de contradiction avec l'arrivée de compagnies aériennes à bas coût : "Les hommes d'affaires prennent de plus en plus easyJet, observe-t-il, et préfèrent dépenser un peu plus sur place."
Même avec une rallonge, qui a permis de doubler le budget publicitaire cette année, à 37 millions de dinars (19,5 millions d'euros), ces moyens sont jugés trop faibles pour corriger une image solidement enracinée. Aussi les autorités ont-elles décidé de mettre à contribution toutes les entreprises liées au secteur touristique, compagnies aériennes, hôteliers-restaurateurs ou loueurs de voitures. Cette taxe, imposée début 2011, devrait permettre d'atteindre 100 millions de dinars de publicité (52,8 millions d'euros).
La moindre variation d'activité peut être lourde de conséquence. Le tourisme, qui emploie 400 000 personnes, représente 8 % du PIB et 35 % de ses recettes en devises. Or, après des années de croissance à 4 % ou 5 %, le secteur a reculé en 2009 : le nombre de touristes (6,9 millions) a baissé de 2 % (- 8,8 % pour les Européens), celui des nuitées de 5 %, et les recettes en euros, évaluées à 1,8 milliard, ont régressé de 1,9 %, indique l'ONTT.
Programme ambitieux
Classée à la 44e place sur 133 destinations touristiques compétitives par le Forum économique de Davos, la Tunisie a perdu cinq places. "Elle reste la seconde destination la plus attrayante en Afrique après l'Afrique du Sud", nuance cependant Bruno Furno, chef du service économique de l'ambassade de France. Principal mis en cause : le tourisme d'affaires, qui a chuté de 35 %. "Notre souci majeur, c'est l'hiver", reconnaît M. Fetni. D'où un programme ambitieux de construction de sept golfs supplémentaires, d'établissements de luxe et d'hôtels de charme.
A la tête du premier tour-opérateur tunisien, Aziz Milad, patron de TTS Group, qui représente Marmara et accueille quelque 500 000 clients par an, voudrait minimiser la baisse de régime : "Le Français, qu'il y ait crise ou grèves, il part quand même en vacances !" De fait, avec 1,3 million de visiteurs par an, les Français restent, de loin, les premiers touristes occidentaux. Ils sont néanmoins de plus en plus concurrencés par les Algériens et même devancés par les Libyens. Mais ces derniers (en hausse de près de 13 % en 2009), viennent surtout pour se faire soigner.
"A un moment donné, avance M. Milad, nous avons cru pouvoir profiter de la crise, en tant que destination bon marché." Avant de devoir déchanter. La concurrence est rude avec la Turquie, qui contraint les professionnels à se tourner vers le haut de gamme. TTS Group vient ainsi d'ouvrir un nouvel hôtel chic à Tabarka. Le potentiel existe. La Tunisie, qui bénéficie de 1 300 kilomètres de côtes, ne possède qu'une capacité hôtelière totale de 240 000 lits... à peine plus que la région de Cannes.
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