Le Monde / 08-11- 2007
La Tunisie souffre de son image bon marché à l'étranger. Le taux d'occupation annuel est d'à peine 52 %, les quatre étoiles (norme tunisienne) s'en sortant mieux que les autres. Le paradoxe est que le tourisme se porte bien au pays du jasmin. L'année 2007 promet même d'être un très bon cru. Mais la Turquie, l'Egypte, le Maroc et la Croatie sont des concurrents de plus en plus sérieux.
Pour rester compétitive, la Tunisie sait qu'elle doit se débarrasser de son image bon marché, élargir sa clientèle et diversifier ses produits de façon à prolonger la courte saison touristique des mois d'été. Mais il n'y a pas de solution miracle. "Nous sommes obligés de brader nos chambres pour attirer le client et rembourser nos dettes ! Les tours opérateurs (TO) européens nous imposent leurs diktats. Ils nous étranglent !", disent avec amertume la quasi-totalité des hôteliers tunisiens.
Du coup, les cinq et quatre étoiles baissent leurs tarifs au prix des trois-étoiles, et ces derniers se bradent pour parfois moins de 200 euros la semaine, tout compris, même le vol. Au total, personne n'y trouve son compte. Ni le client, déçu par la qualité médiocre des prestations offertes à ce prix, ni l'hôtelier, dont le bénéfice est dérisoire. Obtenir l'intervention de l'Etat pour qu'il fixe des prix planchers ? Beaucoup le réclament. Le ministre Khelil Lajimi exclut cette hypothèse. "Nous sommes dans une économie libérale. Si d'aventure nous imposions des prix, les premiers à crier à l'interventionnisme seraient les hôteliers ! C'est à eux de se contrôler et de s'organiser", répond-il.
Tenir tête aux TO ? Ce serait possible - peu de pays à deux heures d'avion de l'Europe offrent autant d'atouts que la Tunisie -, à condition que la qualité soit au rendez-vous. En particulier que les établissements de standing méritent leurs étoiles et que le personnel soit mieux formé. "Dans ce domaine, nous avons encore de gros efforts à faire", reconnaît le directeur d'un grand hôtel.
L'objectif, pour les années à venir, est de développer davantage certaines "niches", plus rentables que le balnéaire (80 % du tourisme actuel), et de ramener, pendant les mois creux, une clientèle à fort pouvoir d'achat. La thalassothérapie, en pleine expansion - une cure, tout compris, à Mahdia, par exemple, revient moitié moins cher qu'à Quiberon - est l'un de ces créneaux, mais pas le seul. Les golfeurs et les croisiéristes (clientèle haut de gamme) sont particulièrement courtisés. De même que les retraités européens, que le Maroc sait si bien attirer.
Le tourisme de congrès devrait lui aussi être exploité. La ville nouvelle de Yasmine Hammamet, à 60 kilomètres de Tunis, en est l'illustration. Quant au patrimoine culturel, exceptionnel, il pourrait être mieux valorisé. Le site punique de Carthage ou les ruines romaines de Thuburbo Majus et d'El-Jem, notamment, mériteraient d'être mis en vedette. Mais, là encore, se pose un problème de formation, celle des guides cette fois.
Le tourisme tunisien reste promis à un bel avenir, à une condition : qu'il mise sur la qualité, non sur la rentabilité à court terme. Les autorités en ont conscience. Les hôteliers aussi. Mais le long terme exige de l'audace et un vrai courage politique.
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