Le Figaro 23/01/2006 – Enfin, une bonne nouvelle pour la Colombie en guerre : selon Proexport, l'office du commerce extérieur, le pays andin s'est approché en 2005 de la barre symbolique du million de visiteurs étrangers. C'est 25% de plus que l'année précédente. Et du jamais vu depuis 1982, assure Bogota. Essor de l'occupation hôtelière, du trafic aérien et routier, des recettes des restaurants... Depuis 2002 et le lancement de la politique sécuritaire du président de droite Alvaro Uribe, les professionnels du tourisme célèbrent une récupération soutenue et structurelle du secteur. «Sans le travail et l'abnégation des soldats et policiers de la patrie, le pays ne connaîtrait pas la résurrection (...) de cette industrie du bonheur», souligne Viva Colombia.
Ces convois de vacanciers sous escorte policière, ont amené les Colombiens aisés, longtemps séquestrés dans leurs propres villes, àreprendre le volant. La militarisation des principaux axes routiers a permis de réduire les attaques des pirates et les nombreux enlèvements de la guérilla.
L'ex-président Alfonso Lopez Michelsen ironise : la sécurité selon Uribe, «c'est que les riches puissent retourner dans leurs maisons de campagne». Mais ce sont aussi les touristes étrangers, américains d'abord, puis latinos et européens, qui reviennent. Bien sûr, la Colombie demeure une destination confidentielle, au regard de pays comme le Pérou. Le tourisme n'y représente encore que 2,3% du produit intérieur brut. Les visites des étrangers se cantonnent àquelques régions bien précises.
Toute la moitié sud, tenue par les principaux preneurs d'otages du pays, les guérilleros marxistes des Farc, est infréquentable. A l'exception de Leticia, capitale du tourisme amazonien àla frontière avec le Pérou et le Brésil. Et encore : le Français Marc Beltra, 24 ans, y est porté disparu depuis décembre 2003. Seules les grandes villes et quelques provinces centrales, comme la verte région du café, sont dites àpeu près sûres. Avec, bien sûr, la côte caraïbe, principale destination colombienne. Les milices paramilitaires, alliées aux pouvoirs économiques et politiques, y veillent àla sécurité des touristes tout en persécutant les opposants.
Cas extrême : les agences de Santa Marta, qui organisent des excursions de plusieurs jours dans la jungle vers la cité perdue des Indiens Tayronas, paient même un droit de passage aux «paras». Les randonneurs croisent ainsi sur les sentiers bordés de champs de coca de la Sierra Nevada des colonnes de combattants aux regards mauvais.
Avec ses deux océans, ses trois cordillères et ses jungles, son peuple chaleureux, ses prix attractifs et son infrastructure hôtelière héritée de la grande époque des narcos, la Colombie souhaite s'ouvrir davantage au tourisme. Le président Uribe, qui aspire àêtre réélu en mai, promet 2 millions de visiteurs étrangers pour l'année 2006. |