Courrier International -04/04/2008
Le Costa Rica est souvent cité en exemple en matière d'écotourisme. Mais celui-ci profite-t-il aux populations locales et à l'environnement ? Le britannique The Guardian est allé en reportage à La Fortuna, dans le nord du pays.
Un peu plus loin, les trombes d'eaux rugissantes dévalent la paroi abrupte sur 70 mètres. Nous nous tenons sur une plateforme d'observation en bois, construite par un groupe associatif local, l'Association de Desarollo La Fortuna, responsable des chutes de La Fortuna au Costa Rica. Carlos, directeur de l'association, a contribué à mobiliser des paysans de la région pour rendre cet ancien terrain public de 15 hectares à son état originel de forêt tropicale. Depuis 1980, les recettes des billets d'entrée à 6 dollars (4 euros) vendus aux touristes pour pénétrer dans cette "forêt de transition" ont permis de construire une route d'accès au site ainsi qu'un parking, des toilettes, un café et une boutique de souvenirs. "Mais nous ne faisons pas de publicité, explique Carlos, car nous ne voulons pas être submergés de visiteurs - nous en recevons déjà entre 200 et 300 par jour."
A une demi-heure au nord de La Fortuna, où que le regard se tourne, il est attiré par le cratère frémissant de l'Arenal. A l'ombre du cône parfait de ce volcan actif s'étire le plus grand lac artificiel du pays. Juste à côté du barrage hydroélectrique qui lui a donné naissance, un réseau de ponts suspendus permet aux touristes de traverser la forêt tropicale au-dessus de la cime des arbres. "J'ai cultivé cette terre pendant vingt-deux ans, confie Carlos en me conduisant vers sa ferme. J'avais quelques têtes de bétail et je cultivais des noix de macadamia, mais ce n'était pas rentable et je savais que je participais à la détérioration de l'environnement. Il y a deux ans, j'ai décidé de bâtir deux chalets écologiques. Depuis, mon exploitation prend de la valeur de jour en jour." Carlos craint toutefois que les retombées financières des activités touristiques ne donnent de mauvaises habitudes à la communauté. "La banque nous pousse à nous agrandir, mais nous devons être prudents. Nous ne voulons pas voir débarquer des cars entiers de touristes !"
Toutefois, ici ou là, la notion d'écotourisme prend un sens très différent. Faut-il ouvrir au tourisme les biotopes les plus fragiles de la planète ? Ne vaudrait-il pas mieux que ces endroits ne restent accessibles qu'à une poignée de scientifiques et aux communautés indiennes pour mieux les protéger ? "La croissance massive du secteur de l'écotourisme inquiète les biologistes", affirmait en 2004 un rapport de [l'hebdomadaire scientifique britannique] New Scientist. "De plus en plus d'indices indiquent que nombre d'animaux réagissent mal à la présence de touristes dans leur biotope. Sur le long terme, l'impact des touristes pourrait compromettre la survie même des espèces animales qu'ils viennent admirer."
Diego Bermudez, président du syndicat des guides touristiques costaricains, qui enseigne à l'Institut professionnel du Costa Rica ne cache pas son inquiétude : "Beaucoup de parcs dépassent le nombre maximum de visiteurs qu'ils sont autorisés à recevoir chaque jour. Il y a dix ans, je voyais cinq couples de quetzals [l'un des oiseaux les plus précieux de la région] par jour dans certains parcs. Aujourd'hui, je dois marcher des heures pour les trouver. Ce n'est pas aux touristes qu'il faut le reprocher - ils ne traversent pas les océans pour le plaisir de détruire nos écosystèmes. Mais nous devons nous doter d'une déontologie pour les entreprises qui font venir des gens ici."
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